Lorsqu’il y a défaut de paiement des fermages, le preneur encourt la résiliation du bail rural. Mais un tel manquement peut avoir d’autres enjeux lorsque l’exploitant est le descendant du bailleur et qu’il a vocation à recueillir sa succession.
En effet, si un exploitant ne règle pas le fermage fixé par le bail à son ascendant bailleur de terres agricoles, les autres héritiers pourraient être tentés, au moment du décès du bailleur, de demander la requalification de l’avantage en donation déguisée ou donation indirecte, afin de solliciter le rapport des sommes dues, à la succession.
C’est sur un cas similaire que la Cour de Cassation a été amenée à se prononcer, le 11 septembre 2024 (arrêt n°446 F-D ; pourvoi n°22-19.129) et qu’elle a jugé qu’en l’absence d’une intention libérale, il ne pouvait y avoir donation déguisée donc que les autres héritiers ne pouvaient demander le rapport des sommes dues à la succession pour réduire les droits de l’héritier preneur à bail. La Cour rappelle que, pour qu’une libéralité soit rapportable, il faut un appauvrissement du disposant avec l’intention de gratifier son héritier. Or, en l’espèce, il n’avait pas été démontré que le prétendu disposant s’était abstenu de réclamer le paiement des fermages dans le but de gratifier son héritier. Par conséquent, comme l’existence d’une intention libérale n’était pas constatée, les sommes dues n’avaient pas à être rapportées à la succession.
Pour rappel, selon la qualification retenue, les règles applicables en matière de prescription ne sont pas les mêmes :
- Si l’intention libérale est avérée, le défaut de paiement des fermages pourra être considéré comme une donation indirecte et l’intégralité des sommes dues sera rapportée à la succession (peu importe le montant et l’ancienneté de la dette);
- En l’absence d’une intention libérale, le défaut de paiement des fermages sera simplement considéré comme une dette de loyers c’est-à-dire une dette qui se prescrit par cinq ans. Dès lors, seules les cinq dernières années de fermage pourront être réclamées à l’héritier locataire.
Emmanuelle JEROME
Le service juridique